mardi 24 novembre 2015

Elue à l'unanimité pour représenter l'Académie Sanmartinienne en France [ici]

El 11 de noviembre, estuve nombrada Miembro correspondiente en Francia de la Academia sanmartiniana, del Instituto Nacional Sanmartiniano.
Abajo publico la carta que me mandaron desde Buenos Aires para agradecerme el trabajo que estoy haciendo acá en la región francohablante de Europa

Mis libros publicados hasta junio del 2015
Mes livres déjà parus (jusqu'à ce jour)

Bien qu'avertie depuis le 11 novembre dernier de l'honneur que me faisait l'Académie sanmartinienne (Academia Sanmartiniana) en me nommant correspondante (miembro correspondiente) en France, hier soir, j'ai été surprise en lisant la notification officielle qui vient de me parvenir. Je m'attendais à un document administratif avec une touche de solennité, et je tombe sur une épître laudative qu'avec fierté et sans fausse modestie, j'ai donc décidé de reproduire et de traduire ici :

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"Au nom de l'Académie de l'Institut national Sanmartinien, qui se consacre à cultiver le souvenir du Père de la Patrie, nous avons le plaisir de nous adresser à vous pour vous informer qu'au cours de sa réunion du 11 courant, il a été accordé par décision unanime de vous désigner comme Membre correspondant en France.

Ce vote récompense le travail de diffusion de la vie du général (1) San Martín que vous avez réalisé dans votre pays natal conjointement à une importante contribution à la culture argentine grâce aux différentes activités que vous menez pour associer fraternellement nos deux pays dans l'histoire et la culture populaire (2).

Pour cette raison, nous vous prions de bien vouloir accepter les félicitations du corps académique et l'assurance de notre plus grande estime et de [toute] notre considération." (3)
(Traduction Denise Anne Clavilier)

La lettre est signée par l'historienne Emilia Menotti, pour le corps académique, et le président de l'Institut, Eduardo García Caffi, pour ce dernier, qui agit en autorité de tutelle de l'Académie.

Bandeau utilisé par l'INS pour sa page Facebook

C'est en effet sous l'égide et dans les locaux de l'INS (Instituto Nacional Sanmartiniano) que l'Académie sanmartinienne rassemble, par cooptation, des historiens et des historiographes qui s'emploient à faire connaître San Martín, à enrichir la recherche historique sur sa vie, son œuvre et son époque (4) et à fédérer, voire à susciter, toutes les initiatives, de toute nature, destinées à célébrer sa mémoire partout dans le pays et même au-delà ainsi qu'à sensibiliser le public argentin à cet épisode fondateur de l'histoire nationale.

Couverture de la thèse de José Otero soutenue à la Sorbonne
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Tapa de la tesís de doctorado de José P. Otero
publicada en París en el 1917
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L'INS a été fondé le 5 avril 1933 comme institut privé consacré au souvenir patriotique du général par un historien argentin formé à la Sorbonne, José Pacifico Otero (1874-1937). La Bibliothèque Nationale de France conserve d'ailleurs plusieurs de ses ouvrages écrits dans un français impeccable et édités ici dont certains sont déjà consultables en ligne sur Gallica : sa thèse de 1917 (en pleine guerre mondiale, on a du mal à y croire) ainsi que le premier tome d'une somme en quatre volumes, L'Argentine devant l'histoire (1922).
Quelques années après sa fondation, l'Institut s'est installé dans une jolie maison à Palermo, dans la très chic zone des ambassades, dans un petit coin de la ville qui est un micro-Paris des beaux quartiers absolument exquis (mais c'est le seul endroit de Buenos Aires qui ressemble vraiment à une ville française). Cette maison est une reproduction, à l'échelle 1,30, de la maison de campagne que San Martín avait achetée en 1835 dans le paisible petit village d'Evry-sur-Seine, à sept lieues de Paris, desservi dès le 20 septembre 1840 par la ligne de chemin de fer Paris-Orléans (embranchement de Corbeil) (5).
Face à la maison reconstituée, un groupe sculpté intitulé El Abuelo inmortal (le grand-père immortel), dont je vous ai déjà parlé à propos du voyage culturel à Buenos Aires que je vous propose avec mon partenaire, Human Trip (voir aussi à ce propos mon article du 14 décembre 2013). Le monument, inauguré en 1950, pour le centenaire de la mort du général, représente le Padre de la Patria, dans son vieil âge, en compagnie de ses deux petites-filles qu'il aimait tendrement. Une première tentative de l'art officiel pour humaniser un personnage jusque-là figé dans le bronze martial de statues équestres qui l'installaient très haut, tout à fait hors de portée du commun, dans une pose symbolique sans rapport avec l'homme de chair et d'os qu'il avait été et que José P. Otero et Ricardo Rojas (1882-1957), chacun pour sa génération, avaient été les premiers à restituer. Ce qu'on appelle en Argentine sacar a San Martín del bronce ("dégager San Martín du bronze").

José P. Otero dedicó su tesís a sus maestros de la Sorbona :
"Dedico este trabajo donde Francia, madre de la democracia,
reconocerá la influencia de su filosofía libertadora
en nuestro primero ciclo histórico"

Depuis son passage sous l'autorité du gouvernement national, l'Institut a souvent été dirigé par des généraux, parfois par des historiens civils, comme le Dr. Enrique Mario Mayochi. Depuis trois ans, il a à sa tête un musicien (un ancien batteur de rock, si, si, je vous assure !) qui a derrière lui un long parcours dans le secteur culturel, dont un passage très apprécié à la tête de Radio Nacional (où il a laissé un très bon souvenir), Eduardo Emanuel García Caffi. En ces jours où des modifications risquent d'intervenir bientôt dans les organigrammes des principales institutions culturelles, je ne voulais pas manquer à le saluer : comme j'y ai fait allusion dans un article d'hier, il a le mérite d'ouvrir les portes de l'INS au grand public, de proposer des conférences accessibles à tous et des expositions, alors que cet institut était longtemps resté le domaine en quelque sorte privé des académiciens et des salariés qui y travaillent au quotidien, fonctionnant aux yeux du public comme une maison d'éditions qui a publié intégralement, en une quarantaine de petits cahiers, toute la documentation écrite qui nous est parvenue sur ce personnage clé de l'histoire argentine.
Eduardo García Caffi n'a pas encore eu le temps de casser complètement l'image désuète et vieillotte qui colle encore aux ardoises de cette maison et lui vaut de solides inimitiés de la part des historiens revisionistas qui se sont, en grande partie contre lui, rassemblés dans l'Instituto Nacional de Revisionismo Histórico Manuel Dorrego, autour de Pacho O'Donnell (qui s'en est retiré depuis devant l'irruption du pluralisme dans ses murs). J'espère que le nouveau ministre de la culture lui proposera de rester en fonction (quitte à ce qu'il refuse, puisque c'est un militant kirchneriste convaincu) : il faut que cette maison continue à rendre San Martín à tous les Argentins et en particulier aux civils qui l'admirent fort mais le connaissent très mal, or c'est là un travail délicat et difficile à réaliser, qui demande une expérience très complète des animations publiques et une bonne qualité de relation descendante et ascendante avec les salariés (au peu que j'ai pu voir, il me semble bien que c'est le cas).

Couverture de l'anthologie en français dirigée par Philippe Raxhon
Tapa de la antología en francés de documentos sanmartinianos
bajo la dirección del Dr. Philippe Raxhon (Universitad de Lieja, Bélgica)

Autour de l'INS gravitent des Associations culturelles sanmartiniennes locales. On en compte dans toutes les provinces. Chacune des villes grandes et moyennes de ce vaste pays a la sienne. Les unes font du très bon travail, innovent et proposent des tas de choses intéressantes, c'est le cas de celles qui m'ont accueillie à Mendoza, à San Martín-Los Barriales ou à San Rafael.... D'autres sont plus plan plan, car, comme toujours dans le monde associatif, tout dépend de la personnalité des présidents et des motivations des adhérents, selon qu'elles sont militantes ou simplement mondaines. A l'étranger aussi il existe quelques unes de ces associations, certaines dynamiques, d'autres invisibles (comme à Toulouse, autour de Carlos Gardel, on voit de tout).
A ce vaste réseau, animé en général par des historiens amateurs (parfois plus rigoureux que de nombreux professionnels), s'ajoutent les Instituts du Chili et du Pérou, les deux autres pays libérés par San Martín, respectivement en 1817 (à la bataille de Chacabuco, confirmée par la victoire de Maypú, le 5 avril 1818) et en 1821. Depuis Buenos Aires, l'INS tâche enfin de rayonner à travers ses correspondants étrangers, sans qu'à ce propos on puisse encore parler de réseau (mais ça viendra bien un jour) (6). Pour la francophonie, l'INS et l'Académie sanmartinienne comptent désormais deux correspondants, la plus récente qui signe ces lignes en France, le plus ancien qui vit et travaille en Belgique dans la Cité Ardente : le professeur Philippe Raxhon, de l'Université de Liège, un spécialiste de l'histoire de cette ville (7) qui a aussi publié plusieurs articles très intéressants sur San Martín dans différentes revues savantes, en français et en espagnol, et dirigé une anthologie unilingue de correspondance et autres écrits de San Martín (présentés dans une admirable traduction qui restitue le français du début du XIXème siècle) (8).

Mi próxima charla el sábado que viene (28/11/15)
Affiche pour ma prochaine conférence sur San Martín
ce samedi 28 novembre 2015
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Samedi prochain, le 28 novembre 2015, à 11h, j'inaugurerai donc mon titre de membre correspondant de l'Académie sanmartinienne avec une conférence sur San Martín, à la mairie de Gretz-Armainvilliers (77), qui a été annoncée dans le programme du Souvenir napoléonien (délégation de Paris et d'Ile-de-France).

Que soit ici remercié le Dr Miguel Angel Di Marcó que j'ai connu à Mendoza, au congrès d'histoire en septembre 2014, et avec qui j'ai partagé une conférence, à trois, avec Fabiana Mastrangelo, cette année, à Buenos Aires, organisée par Pina Poggi, la très dynamique présidente de l'Asociación Cultural Sanmartiniana de San Martín, dans la Province de Buenos Aires (dans la banlieue ouest de la capitale argentine). C'est lui qui a pris l'initiative de présenter ma candidature et m'a fait l'honneur de la défendre.

Posant avec le Dr De Marcó (gauche), Fabiana Mastrangelo et Pina Poggi
à Buenos Aires le 25 août 2015
Con el Dr. De Marcó, Fabiana Mastrangelo y Pina Poggi
en Buenos Aires, el 25 de agosto del 2015

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(1) Autre grande surprise : c'est la première fois dans un document argentin que je vois écrit général San Martín avec une minuscule au grade !
(2) En Argentine, le mot Folklore a une acception beaucoup plus forte et surtout nettement moins passéiste qu'en Europe (d'où ma traduction en culture populaire). Et quand je parle de passéisme, c'est parce qu'en Europe, ce terme désigne des systèmes culturels, simples ou complexes, d'arts et de traditions populaires, plus ou moins anciens, qui tous ont précédé (souvent de très peu) la constitution de nos Etats-Nations qui agglomèrent depuis le début du XIXème siècle diverses entités régionales pour former des ensembles territorialement et culturellement plus larges (appelés désormais à leur tour à se fondre dans une Europe politique encore très lointaine, voire utopique). Il se trouve donc qu'aujourd'hui une partie de la population voudrait que ces idiosyncrasies anciennes et infra-nationales perdurent au-delà de ces inéluctables et successives modernisations de nos différents pays. C'est précisément l'intérêt porté à ces réalités culturelles promises au déclin à la fin du XIXème siècle qui a fait apparaître le substantif folklore en France en 1885. En Argentine, le folklore ne relève pas ainsi d'un passé révolu prêt à sombrer dans l'oubli et que des passionnés retiennent dans le présent avec quelquefois (mais pas toujours) succès et authenticité. C'est une réalité en cours de création que le folklore argentin, l'un des processus d'élaboration d'un pays encore enfant avec ses deux cents ans d'âge (et un peu plus si l'on inclut la période coloniale, que de nombreux Argentins refusent de prendre en compte). Dans la lettre, le mot désigne donc toutes les formes de culture populaire, conformément à la pratique universitaire argentine. Il faut être soi-même folklorista ou tanguero pour pratiquer la distinction sémantique (à laquelle je tiens beaucoup) entre tango (culture populaire citadine) et folclore (culture populaire rurale). A l'Université Nationale des Arts (UNA), à Buenos Aires, il n'existe qu'une seule unité de recherche et d'enseignement pour les deux, la Area Folklore-Tango. A l'Ecole de musique populaire de Avellaneda, en revanche, les deux cursus sont séparés. Et à côté de la Academia Nacional del Tango à laquelle j'ai aussi l'honneur d'appartenir, fondée en 1990, il existe depuis peu une Academia Nacional de Folklore (décret de fondation daté du 28 mars 2014 et promulgué le 18 juin). Cette académie dispose d'un site Internet et d'une page Facebook.
(3) En Espagnol, la rupture grammaticale est permise à l'intérieur de la même phrase, même dans la formule de politesse en bas d'une lettre. En français, non. D'où ma traduction qui applique la syntaxe épistolaire française. L'année dernière, Eduardo García Caffi m'a confié la traduction de la biographie de San Martín proposée aux visiteurs à côté du mausolée, dans une chapelle latérale de la cathédrale de Buenos Aires. C'est un texte superbe rédigé par l'historien du corps des réservistes du Régiment des Grenadiers à cheval, dans la plus belle tradition rhétorique hispanique. Mais il a fallu que j'en restructure plusieurs phrases pour que la version française tienne debout. Et dire qu'à première vue, nous avons l'impression que nos deux langues se reflètent l'une l'autre comme dans un miroir. Que nenni !
(4) Parfois au prix de fortes dissensions entre eux, de divergences d'opinion, d'analyse et de sensibilité à fleur de peau.
(5) Pour ma série de conférences d'août dernier à Buenos Aires puis à Mendoza, j'avais concocté un petit montage de documents anciens, lithographies, estampes et cartes, entremêlés de photos de matériel ferroviaire historique exposé en 2003 sur les Champs-Elysées par la SNCF. L'idée m'était venue d'abord pour les besoins de mon intervention au Colegio Don José de San Martín à Florencio Varela, dans la banlieue sud de la capitale, et j'avais ensuite composé une seconde version pour un public adulte. Petits et grands ont regardé ça avec une émotion très perceptible tant cette France de la Monarchie de Juillet que San Martín a parcouru de long en large pendant son exil leur est un pays mythique, enveloppé dans le mystère de l'éloignement dans le temps et l'espace. Mais la maison de San Martín à Evry, dans le quartier de Grand-Bourg, ne se visite pas, elle abrite depuis 1852 un couvent de la congrégation Notre-Dame de Sion. Elle a été entièrement réaménagée pour les besoins de la communauté qui lui a ajouté une chapelle.
(6) La même question du maillage et de la coopération entre pairs se pose aussi à la Academia Nacional del Tango, où nous sommes en train de mettre sur pied des procédures d'échanges et de partage ainsi que ce congrès du tango qui devrait se tenir désormais tous les ans au mois d'août.
(7) Philippe Raxhon s'est vu récemment confié en Belgique la direction scientifique du centenaire de la Grande Guerre et celle du Bicentenaire de Waterloo.
(8) Un travail d'histoire linguistique dont je me suis abstenue dans l'élaboration de San Martín par lui-même et par ses contemporains, paru aux Editions du Jasmin, comme la biographie, San Martín à rebours des conquistadors.