vendredi 24 mai 2013

La Pieuvre de Rep tance les révolutionnaires [Humour]


Le Culpo (jeu de mot intraduisible entre culpa, faute, et pulpo, poulpe) du dessinateur nourri de psychanalyse Miguel Rep s'en prenait ce matin aux révolutionnaires de 1810...
Ce céphalopode denté, vert-pomme et rabat-joie, hante en effet de loin en loin la vignette quotidienne de Página/12.

Tous les personnages sont coiffés du couvre-chef typique de l'époque napoléonienne qui en vient à symboliser dans la mémoire argentine ce moment historique comme en France le bonnet phrygien nous suffit à faire remonter en nous des émotions de prise de la Bastille.


Le Culpo : Ça ne vous fait pas de peine de prendre des terres aux Espagnols ? Vous n'avez pas honte de crier Révolution à un pauvre vice-roi (1) et de le mettre à la porte ? Ça ne vous gêne pas de profiter du fait que les pauvres Galiciens (2) souffrent à cause de Napoléon (3) ? Vous savez le nombre de morts que ça va vous coûter le 25 Mai ? Ingrats, c'est grâce à eux que vous parlez espagnol !
(Traduction Denise Anne Clavilier)



(1) Le pauvre vice-roi en question, Baltasar de Cisneros, a laissé en Argentine un souvenir épouvantable, un peu comme en France Louis XVI et Marie-Antoinette. Cette image repoussante correspond assez peu à la réalité historique qui était elle beaucoup plus nuancée. En l'occurrence, l'homme était un héros de la guerre de l'Espagne, alliée à la France, contre les Anglais. Il était l'un des trois amiraux espagnols qui avaient survécu à Trafalgar, dont il était sorti invalide : il avait perdu l'ouïe à cause d'un obus qui avait explosé tout près de lui. Ce handicap explique un part de son comportement pendant la Semaine de Mai : il n'entendait pas les bruits de la ville et il n'a compris que très tard son impopularité et le niveau de mécontentement du peuple. Il a été surpris par la révolution un peu comme Ceaucescu, dont il n'avait cependant ni la cruauté ni les délires mégalomanes et paranoïaques.
(2) Une particularité linguistique argentine : désigner tous les Espagnols comme Galiciens, comme les Français prennent tous les Britanniques pour des Anglais ou tous les Néerlandais pour des Hollandais. Contrairement à ce qu'on serait tentés de croire, ce n'est pas le résultat de la grande Immigration des années 1880-1930. Le phénomène se rencontre déjà dans les documents historiques de la guerre d'indépendance. Dans ses mémoires, parues en deux volumes en 1827 et 1828, le général William Miller, qui fut l'un des collaborateurs du général José de San Martín pendant la campagne de libération du Pérou (1820-1822), raconte une anecdote savoureuse sur ces mauvaises manières des Argentins vis-à-vis des Péninsulaires, y compris ceux qui s'étaient rangés du côté de la Révolution américaine et qui en ont vu des vertes et des pas mûres.
(3) Allusion à l'invasion de l'Espagne par l'armée impériale entre 1808 et 1814.