jeudi 12 avril 2018

La justice met sous tutelle le Partido Justicialista [Actu]

En haut, le siège du PJ gardé par une police lourdement armée
En bas, le symbole de la dépénalisation de l'avortement,
dont le débat vient de s'ouvrir au Congrès

Avant-hier, une juge fédérale a accédé à la demande d'un responsable de la CGT, le syndicat adossé historiquement au PJ (Partido Justicialista), le parti péroniste, en mettant celui-ci en tutelle et en y nommant un administrateur, qui n'est autre qu'un responsable syndical, Luis Barrionuevo, le secrétaire général du syndicat des salariés de l'hôtellerie, du tourisme et de la gastronomie.

Depuis la fin du mandat présidentiel de Cristina Kirchner (9 décembre 2015), le PJ ne parvient pas à trouver une solution pour élire des instances directrices qui fonctionnent conformément aux statuts. Le président est un ancien gouverneur de la Province de San Juan, José Luis Gioja, mais il a été nommé dans des conditions contestables d'un point de vue statutaire, même si sa longue carrière politique fait du personnage un président crédible, sinon efficace.

La photo est pour le patron de Facebook
comparaissant devant le Congrès des Etats-Unis
En haut : le gros titre parle d'une projet du gouvernement
qui voudrait voir
les habitants des bidonvilles devenir propriétaires du terrain
où ils se sont installés
une information que La Nación est seule à rapporter
En bas : "Crise au PJ"
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La mise sous tutelle du premier parti de l'opposition, en niveau électoral, pose dès lors un énorme problème à la démocratie argentine. Il n'est pas tout à fait normal que la justice ne laisse pas se débrouiller seul un organisme politique, représenté au Congrès, alors qu'aucune malversation n'est retenue dans le chef des dirigeants actuels. Cette décision de la juge alimente depuis avant-hier une vaste polémique dans tout le pays. Divers caciques du péronisme s'élèvent contre elle. Des responsables d'autres partis, comme le socialiste Antonio Bonfatti, y voient une menace pour la démocratie. La gauche péroniste interprète cette mise sous tutelle comme une intervention directe de la majorité dans les affaires de son principal opposant.

La photo centrale montre Gioja (en noir) dans la cohue devant le siège du PJ
au moment où il est expulsé, après sa destitution par la justice
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Le gouvernement s'est bien entendu déclaré surpris par l'ordonnance de la juge et jure ses grands dieux n'y être pour rien et n'y avoir aucun intérêt.

Tous les journaux ont mis l'affaire à la une, y compris La Prensa, le seul à se contenter d'une toute petite manchette à peine visible. Página/12 modifie quant à lui les proportions de sa une pour rendre compte de l'événement. La Nación et Clarín choisissent de le glisser dans un coin discret mais de taille normale.

L'avenir nous dira comment le PJ, parti fondé par Juan Domingo Perón en 1943, va se relever de ce coup et s'il pourra préparer la campagne électorale de l'année prochaine, où les Argentins seront appelés à élire à nouveau leur chef d'Etat, en octobre pour le premier tour et en décembre pour le second, si second il y a. Le parti a fait appel de l'ordonnance.


Le type debout : Le PJ a été mis sous tutelle.
Le type assis (sa grosse moustache fait bigrement penser à Ricardo Alfonsín, l'un des caciques de l'UCR, le parti radical, lui-même fils de Raúl Alfonsín, acteur du retour à la démocratie et président de 1983 à 1989) : Il était temps. Nous, on nous a mis en tutelle il y a trois ans (1)
Le type debout : On n'a pas été mis en tutelle !
Le type assis : Quoi ! Tu vas pas me dire que tout ce qu'on a fait depuis 2015, c'est nous qui l'avons décidé !
Traduction © Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :
dans la presse argentine hier
lire l'analyse politique de Página/12 ("c'est un coup du gouvernement")
lire l'analyse de Antonio Bonfatti dans Página/12
lire l'article de La Prensa sur les prises de position du gouverneur de San Luis, Alberto Rodríguez Sáa, un péroniste historique
lire l'article de La Nación sur les déclarations de José Luis Gioja, le président destitué par la justice au profit de l'administrateur nommé
dans la presse argentine aujourd'hui
lire l'article de Página/12 sur les déclarations de Luis Barrionuevo qui se décrit comme un véritable péroniste
lire l'article de Página/12 sur les intentions de la direction démise
lire l'article de La Nación sur la réaction du gouvernement, qui affiche une surprise, réelle ou feinte
lire l'article de Clarín sur le premier communiqué de l'administrateur Barrionuevo

Ajouts du 13 avril 2018 :
lire cet article de Página/12 sur la prise de position des gouverneurs péronistes contre la mise sous tutelle de leur parti
lire cet article de La Prensa sur la convocation d'un congrès par Gioja, alors qu'il était déjà dépouillé, de jure, de ses fonctions



(1) Il y a trois ans, l'UCR a constitué l'alliance Cambiemos avec le parti néolibéral PRO, conduit par Mauricio Macri. Or l'UCR est traditionnellement un parti de centre-gauche, très attaché, depuis ses origines, en 1891, à la souveraineté nationale, au patriotisme économique et à la redistribution sociale des richesses par l'impôt, la lutte contre la corruption, le développement de l'école et des universités, la moralisation du monde judiciaire, etc. Or notamment depuis le mois d'octobre dernier, ce sont là des axes que le gouvernement semble avoir abandonnés sans même y mettre les formes, puisque récemment les ministres libéraux se targuaient même de posséder des comptes offshore, refusant d'y voir la moindre corruption ni la moindre trahison envers le pays qu'ils dirigent pourtant depuis plus de deux ans.