mardi 7 mai 2013

Deux cents ans de travail à la Casa del Bicentenario [à l'affiche]

Sin pan y sin trabajo, Ernesto De La Cárcova (1894)
Museo Nacional de Bellas Artes - Buenos Aires

Sociedad de Trabajo, una historia de dos siglos : nouvelle exposition thématique à la Casa del Bicentenario, Riobamba 985, à Palermo (à ne pas confondre avec le Musée national du Bicentenaire, qui se trouve à Monserrat, derrière la Casa Rosada) : images, œuvres artistiques, installations, extraits de films de fiction, de documentaires, de reportages et documents écrits sur tout ce qui, en deux cents ans d'indépendance, a fait la cohésion du travail dans la société, la famille, l'espace public et privé en Argentine...

L'exposition s'est ouverte le 17 avril dernier, elle accueille les visiteurs du mardi au dimanche et pendant les jours fériés, de 15h à 21h, jusqu'au 1er décembre prochain.

Le thème du travail a été et reste central dans la problématique de la construction nationale en Argentine, pays essentiellement agricole dont dès les premières années de l'indépendance l'immensité du territoire a posé des questions techniques et technologiques de développement économique et d'infrastructures matérielles et sociales. L'exposition dont je vous parlais il y a quelques jours au Museo Histórico de Buenos Aires Cornelio de Saavedra (voir mon article à ce sujet) sur l'apparition du chemin de fer en 1856 traite de cet aspect de l'histoire nationale. Ajoutez à cela que l'Argentine, au sous-sol beaucoup moins valorisé que d'autres vice-royaumes du temps colonial (il ne contient que peu de minerais), est un pays pétrolier, ce qui implique extraction, raffinage et exportation (on l'a vu récemment encore avec la renationalisation de YPF, dont Repsol a été exproprié, voir mes articles sur le thème). Depuis toujours la condition des travailleurs, d'abord à la campagne, ensuite dans l'industrie balbutiante, aujourd'hui à la fois dans l'agriculture et dans les services, a suscité une intense réflexion dans les courants de gauche, qui en ont régulièrement fait un axe de leurs plans politiques une fois que leurs leaders ont accédé au pouvoir (le général San Martín à Cuyo entre 1814 et 1816, Hipólito Yrigoyen et Marcelo de Alvear de 1916 à 1930, Juan Domingo Perón qui s'est forgé son destin politique et mythique dès 1943 en tenant de main de maître le marocain du Secrétariat au Travail créé spécialement pour lui dans le gouvernement militaire d'union sacrée dit du GOU, politique qu'il a tâché de systématiser jusqu'au moment où il a été renversé en septembre 1955, et à nouveau les Kirchner, mari et femme, depuis l'élection de Néstor en 2003, après le krach financier et bancaire de la Noël 2001). Ce thème est encore celui qui irrigue toute la dévotion argentine à San Cayetano, qui donne lieu dans tout le pays à de très nombreux pèlerinages, dont celui de Buenos Aires, dans le quartier de Liniers, est le plus connu et le plus fréquenté.

L'exposition rassemble donc entre autres quelques reproductions de grandes œuvres de la peinture nationale, dont le célèbre Sin pan y sin trabajo, de Ernesto De La Cárcova (1866-1927), exposé pour la première fois en 1894, en pleine vague d'immigration. Ce tableau doit être à l'Argentine un peu ce que Les mangeurs de pommes de terre ou Les Glaneuses sont à la France... Le chef-d'œuvre engagé par excellence. Le même thème hante le répertoire classique du tango, comme vous pouvez le constater dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins (ed. du Jasmin).

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 de lundi sur le sujet (une telle exposition ne pouvait qu'attirer son intérêt)
voir la galerie de photos de l'exposition sur la page Facebook du Musée