mercredi 29 mars 2017

Normalisation des relations entre Etat et Eglise en Argentine : Monseigneur Olivera, nouvel évêque aux Armées [Actu]

Depuis 2005, l'Argentine n'avait plus d'évêque aux Armées. En effet, le prélat désigné était suspect aux yeux de Néstor Kirchner de sympathie pour la dictature militaire et pour les méthodes d'assassinat mises en œuvres (contre la politique libertaire en matière de mœurs attribuée à Kirchner, il aurait utilisé une citation évangélique qui faisait allusion à des mises à mort par noyade qui ont été assimilées aux vols de mort du Plan Condor). Par décret, le président avait donc empêché l'évêque de prendre possession de son diocèse, ce qui est possible dans un pays où l'Eglise n'est pas séparée de l'Etat, où les nominations doivent se faire d'un commun accord entre le Saint-Siège et le Gouvernement, où c'est l'Etat qui salarie les membres du clergé catholique (comme en Belgique par exemple ou les départements concordataires dans l'est de la France) et où un évêque a rang de sous-secrétaire d'Etat au regard du protocole comme à celui des émoluments sur les deniers publics. L'Eglise n'avait jamais accepté ce décret présidentiel, intervenu après l'accord sur la nomination, à cause d'un courrier envoyé par le prélat au ministre de la Santé et dans lequel il manifestait son désaccord éthique avec des décisions gouvernementales. Et comme il ne faisait pas bon être dans l'opposition sous les Kirchner, surtout si on appartenait au clergé, soupçonné a priori de pencher à droite...

Achives La Nación

Après le retrait pour limite d'âge de l'évêque aux Armées empêché, un simple prêtre avait assumé la fonction au titre d'un vicariat général. Il se trouve que ces évêchés thématiques et non pas territoriaux ont été développés par Jean-Paul II dans tous les pays et surtout les pays démocratiques. La France dispose elle aussi d'un évêque aux Armées qui assure l'autorité hiérarchique sur tous les aumôniers catholiques dans les régiments et les écoles militaires du pays. La création d'un tel diocèse n'a donc rien à voir avec une quelconque légitimation de généraux putschistes, comme tâche de le suggérer Washington Uranga, sur Página/12, avec ses éternels procès d'intention envers l'Eglise.

Hier, François a désigné un nouvel ordinaire pour les militaires, à la suite d'une consultation qui se réalise entre Rome et le ministère des Affaires étrangères qui est aussi celui des cultes, dirigé par la diplomate de carrière Susana Malcorra.
L'élu est l'actuel évêque de Cruz del Eje, Monseigneur Santiago Olivera, dans la province de Córdoba. C'est lui qui vient de mener à bon terme la canonisation du Cura Brochero, célébrée à Rome en octobre dernier, le tout premier saint argentin (voir les articles que j'ai consacrés à ce très beau personnage populaire de la fin du dix-neuvième siècle). Or Santiago Olivera est un prélat jeune, plutôt ouvert et simple, proche des fidèles, un pasteur qui porte sur lui l'odeur du troupeau, pour reprendre une expression devenue fameuse du pape au Jeudi Saint 2013 à la basilique Saint-Pierre du Latran.

Annonce dans L'Osservatore Romano, daté du 29 mars 2017
(mais paru hier après-midi)

Santiago Olivera est d'ailleurs actuellement dans la Ville Eternelle et doit être reçu demain par le Pape François auquel il est lié par leur passé commun dans l'Eglise argentine et au sein de la Conférence épiscopale du pays.

Página/12, qui déteste tout ce qui est militaire autant que ce qui est catholique, voit dans cette nomination un signe politique envoyé par François en faveur de l'alliance de gouvernement Cambiemos et de la ligne suivie par Mauricio Macri, qu'il a en ligne de mire depuis la semaine dernière, puisque le Président argentin n'a pas participé aux célébrations du 24 mars, jour hommage aux victimes de la Dictature militaire de 1976-1983.
Le ton est plus raisonnable dans La Nación, sous la plume de Mariano de Vedia, l'un des chroniqueurs religieux de la rédaction, et sur le site Internet de AICA, l'agence de presse catholique liée à la Conférence épiscopale argentine.