dimanche 13 décembre 2015

Adieu à Alberto Podestá [Actu]


C'est une voix d'or apparue dans les années 1940 qui s'est éteinte le 9 décembre dernier : Alberto Podestá, qui avait travaillé avec Miguel Caló, avant d'être débauché par Carlos Di Sarli. Il avait fait une grosse partie de sa carrière avec beaucoup d'autres grands orchestres, avant que le renversement de Perón en septembre 1955 sonne le glas de la grande époque du tango, des orchestres et des cabarets. Il avait été l'une des vedettes du Café de los Maestros, ce documentaire sur les grands anciens, réalisé par Gustavo Santaolalla, qui a redonné du lustre à cette génération dans les années 2000.

Página/12 lui a consacré la une de ses pages culturelles au lendemain de sa mort, le 10 décembre, mais le site Internet du journal faisait alors l'objet d'une attaque pirate très élaborée qui le rendait inaccessible alors que l'Argentine se préparait à changer d'époque politique. Le reste des journaux nationaux ont été des plus discrets sur la question. Je n'ai pris moi-même connaissance de l'information que ce matin en pouvant enfin ouvrir le site de Página/12 (1).

En août 2007, j'avais eu la chance de rencontrer Alberto Podestá. Croyant avoir affaire à une journaliste, il m'avait donné rendez-vous dans un café de la rue Lavalle, face aux bureaux de la Sadaic, et il m'avait servi la scène pittoresque que l'on voit dans tous les reportages européens sur les artistes de tango : le vieux chanteur en train de taper le carton avec quelques vieux potes du même âge dans un décor de bistrot. Quand il s'est rendu compte, aux propos que je lui tenais et à mon niveau de maîtrise de l'espagnol d'Argentine, il avait tout arrêté, s'était excusé et m'avait demandé si je pouvais revenir le lendemain où il pourrait me recevoir ailleurs, dans de meilleures conditions et dans une atmosphère beaucoup plus tranquille. Ce qui fut fait. Et le lendemain, je rencontrais l'homme réel, pas ce stéréotype à la recherche duquel il m'avait crue.

L'homme avait 91 ans. Vous verrez dans l'entrefilet de La Nación que la date de naissance est fausse. C'est vous dire dans quelles conditions de bâclage cette pauvre nécrologie a été réalisée dans la folie de cette journée d'investiture présidentielle de Mauricio Macri.

Vous lirez donc plus attentivement l'article de Página/12.

D'ordinaire, lorsque l'Argentine pleure l'une de ses grandes personnalités, il n'y en a dans Barrio de Tango que pour le disparu. Aujourd'hui, eu égard au contexte politique dans lequel se produit ce décès, je viole ma propre règle mais je mets cet hommage à Alberto Podestá en ouverture de la page du jour.



(1) L'attaque dont a fait l'objet le journal est sans aucun doute liée au calendrier politique puisqu'elle cesse ou qu'elle peut être surmontée maintenant que Mauricio Macri est en place et a déjà pris ses premières mesures, dont une modification importante des décrets d'application de la loi sur les médias et de celle qui organise l'organigramme de l'Exécutif. A gauche en Argentine, on murmure qu'une société de téléphonie serait à l'origine du problème rencontré par le titre ces derniers jours. Qui que soit le commanditaire de l'attaque, c'est un acte grave en démocratie.