L'année
dernière, Mauricio Macri, le Chef du Gouvernement de la Ville
Autonome de Buenos Aires, avait annoncé à grands
renforts de trompette un projet insensé consistant à
créer de toutes pièces une cité administrative
dans le quartier populaire de Barracas, à proximité
immédiate de trois hôpitaux, dont un célèbre
établissement psychiatrique de pointe, qu'il laisse dans
l'abandon budgétaire le plus total depuis son arrivée
au pouvoir municipal en décembre 2007. On voyait gros comme
une maison la méga-opération immobilière qui aurait,
tôt ou tard, eu raison et de l'habitat populaire du coin et des
trois hôpitaux, dont ce gouvernement local se serait débarrassé
par la même occasion, pour réserver de plus en plus la
ville de Buenos Aires à des classes sociales de plus en plus aisées,
ce qui lui permet de rejeter dans la banlieue et donc de mettre à la
charge de la Province de Buenos Aires, nettement moins gâtée
économiquement que la capitale, les "pauvres" au pouvoir d'achat réduit.
Depuis
un an, les habitants de Barracas et les personnels des hôpitaux,
en particulier celui du Borda, le plus emblématique des trois,
se battaient de toutes leurs forces pour entraver ce projet, qui
aurait renchéri le terrain et les loyers dans tout le sud-est
de la ville (sans parler des embarras automobiles qu'il aurait créés
dans une zone qui n'en a vraiment pas besoin).
Or
voilà qu'une juge vient de leur donner raison en relevant que
le projet est situé sur une zone déclarée
Monument Historique National, et qui donc bénéficie
d'une protection légale (ce dont des décideurs comme
Macri ne s'embarrassent guère et qu'ils ont en général
les moyens économiques de contourner) et que le projet ne
pouvait pas être publié en l'état puisqu'il
manquait une étude obligatoire sur ses retombées
environnementales et patrimoniales. En effet, la zone serait un
important gisement archéologique, ce qui est tout à
fait logique vu ce que l'on sait de l'histoire urbanistique de Buenos
Aires depuis sa deuxième fondation (en 1580). Donc
interdiction est faite désormais de lancer le chantier. Ce qui
protège, au moins temporairement, les hôpitaux,
les ateliers protégés qui fonctionnent sur le domaine
appartenant au Borda, les espaces verts répandus sur toute le
secteur, et les habitants du coin. Les opposants au projet espèrent
qu'au regard des délais de construction, le projet est
durablement condamné puisqu'il empêche que la cité
soit debout en 2015, année où elle aurait servi à
Macri. Donc à partir du moment où rien ne sera prêt
en 2015, il est fort possible que la zone cesse brutalement de
l'intéresser...
Le
quotidien Página/12, qui milite bien sûr contre le
projet de Macri, comme il milite contre toutes les initiatives de ce
gouvernement ultra-libéral qui fait peu de cas de la
constitution de la ville, de votes de son Parlement (Legislatura) et
des décisions de sa justice, et même de celle des
instances fédérales, qu'il ignore délibérément
(1), faisait ce matin des gorges chaudes de cette décision
judiciaire et en profitait pour se gausser de Macri, insinuant
l'idée, fort vraisemblable par ailleurs, que ce dernier
espérait pouvoir lancer sa candidature à la présidence
de la Nation en 2015 depuis ces locaux flambant neuf et y mener
l'ensemble de sa campagne qui s'annonce très bruyante (à
la mode des campagnes électorales bourrées de fric qui
sont de mise aux Etats-Unis). D'où le gros titre vengeur et un
brin moqueur de ce matin : "Pas
de nouveau joujou !"
Pour
aller plus loin :
lire
mon article du 8 septembre 2011 sur le projet tel qu'il avait été
présenté il y a un an.
(1)
Il y a quelques jours, Macri a mis son veto sur une loi votée
par la Legislatura qui autorise l'avortement dans certains cas de
viol, conformément à un arrêt de la Cour Suprême,
donc au niveau fédéral, ce que toutes les entités
fédérées doivent traduire dans leur droit et
leur jurisprudence locale. Que nenni ! Buenos Aires restera en
dehors...