vendredi 10 août 2012

El Día de San Martín dans la ville la plus argentine de France [Retour sur Images]. Article n° 2700 [ici]

El Día de San Martín (fête de San Martín, à ne pas confondre avec la saint-Martin qui est célébrée le 11 novembre) a lieu le 17 août. Enfin théoriquement car en fait, en Argentine, le jour férié est depuis plusieurs années reporté au lundi le plus proche pour permettre aux Argentins de profiter d'un long week-end et favoriser le tourisme intérieur. El Día de San Martín est l'un des quatre jours patriotiques (días patrios) qui se pressent en hiver, avec le 25 mai (fête de la Révolution), le 20 juin (fête du drapeau, établie pendant la guerre civile espagnole pour fédérer les Argentins prêts à se déchirer sur les enjeux de la Péninsule) et le 9 juillet (fête de l'Indépendance).

Le superbe beffroi médiéval de Boulogne sur Mer est un monument classé.

Le 17 août, les Argentins se souviennent de José de San Martín, mort à Boulogne-sur-Mer, ce samedi de l'année 1850, à 15h, à l'âge 72 ans et six mois.
Depuis, Boulogne-sur-Mer, sous-préfecture du Pas-de-Calais, est la ville la plus argentine de France. Depuis la fin des années 1920, elle dispose même d'un musée qui lui est dédié, installé dans la maison où don José a vécu les 16 derniers mois d'une belle vie passionnée de révolutionnaire, d'homme d'action et de coeur, d'intellectuel immensément cultivé.

Pour les besoins de mes prochains projets, que je vous dévoilerai mieux à la rentrée, vers la mi-septembre, je me suis rendue en juin dernier dans ce port qui plonge dans la Manche et j'en ai rapporté quelques images et le souvenir d'une ville pleine de charme et riche d'un patrimoine culturel trop méconnu en France.

La terrasse intérieure de la Casa San Martín satisfait à une tradition bien argentine : le mur de plaques commémoratives avec des hommages venus de tous les horizons...

Ce 17 août 2012, le Día de San Martín, que les Boulonnais appellent tout simplement le 17 Août, sera fêté avec un récital de la chanteuse argentine Magdalena León, avec le soutien du pianiste Miguel Angel Estrella, brillant musicien classique argentin, grand militant des droits de l'homme et actuel Ambassadeur de son pays auprès de l'UNESCO à Paris. Le concert est organisée par la Mairie avec le soutien de l'Ambassade d'Argentine en France. Il se tiendra le 17 août à 20h, au Carré SAM, place d'Argentine. La chanteuse sera accompagnée par ses musiciens, Mariano Rey, Matías Martino et Roberto López.

Ce concert offre une bonne occasion de découvrir la ville, avec la Casa San Martín (ça s'impose), la ville fortifiée ou Ville Haute avec son Château-Musée qui présente des collections assez remarquables, notamment celle d'objets usuels et cultuels des Inuits d'Alaska qui est unique en France, la très belle Grande Rue qui dessert l'église Saint-Nicolas puis descend vers le port, d'où il ne vous reste plus qu'à bifurquer sur votre droite et à longer les Buildings pour vous trouver à Nausicaa, le plus grand Centre de la Mer de notre pays. Et face à Nausicaa ou presque, une statue de San Martín, bien militariste comme ça se faisait en 1909, à la veille du centenaire de l'Argentine, et à quelques pas de là la Maison de la Beurrière, éco-musée qui reconstitue, en haut de son escalier qui escalade la falaise, l'intérieur d'un ménage de pêcheurs à la fin du 19ème siècle... Les mouettes sont en prime. Elles volent et crient dans toute la ville du matin au soir.

Ce coin du rez-de-chaussée est consacré au Régiment des Grenadiers à cheval, le régiment d'élite que San Martín créa de toutes pièces à Buenos Aires en 1812. L'actuel régiment est chargé de la sécurité des personnalités officielles et rend les honneurs dans les grandes occasions.

La visite de la Casa San Martín vous permettra d'avoir une bonne idée de la légende du général et de la conception que la grande majorité des Argentins s'en font encore aujourd'hui. Le Libertador, le Père de la Patrie y est représenté presque exclusivement dans son action militaire, qui fut certes plus que brillante mais ne saurait pour autant rendre compte de l'ampleur du personnage, il s'en faut de beaucoup.

Depuis quelques temps en Argentine, grâce à certains historiens dont je vous ai déjà parlé ici, comme Felipe Pigna ou Norberto Galasso, qui décapent au jet d'eau sous pression les préjugés de l'histoire officielle que l'école continue de rabâcher aux élèves jusqu'au baccalauréat, les Argentins redécouvrent peu à peu son œuvre politique et révolutionnaire, qu'avait si habilement escamotée Bartolomé Mitre (1821-1906) et ses adeptes à partir des années 1860 et qui était encore très largement méconnue lorsque cette belle maison bourgeoise du 113 Grande-Rue (1) fut instituée en musée par la République Argentine.

Sans doute la pièce la plus émouvante du musée : la chambre de Mercedes, la fille de San Martín, qui mourut dans ses bras, sur ce lit (la pièce est bien entendu reconstituée car la maison a vécu près de 80 ans avant de devenir musée. En revanche, le plancher présente toutes les caractéristiques d'une grande authenticité).

Allez donc y mettre les pieds. Vous pourrez dire que vous serez allés en Argentine. Le musée est extraterritorialisé ! Et puisque comme la plupart des musées argentins l'entrée est libre, vous n'oublierez pas de remarquer l'urne en bois qui attend votre libre participation dans le vestibule...

Les douves du château de Philippe Hurepel, l'oncle rebelle de Saint-Louis, dans la Ville Haute.


Ajout du 21 août 2012 : à l'occasion du jour férié lié au Día de San Martín, l'une des fêtes qui se déplacent au lundi le plus proche, Nacional Rock, l'une des chaînes du groupe Radio Nacional Argentina, a passé hier, lundi 20 août, puis mis en ligne aujourd'hui (en libre téléchargement manuel) une interview de l'historien Norberto Galasso, qui a écrit il y a quelques années une biographie très approfondie de San Martín dans le plus pur esprit revisionismo histórico (ce fameux courant d'historiens qui a entrepris de nettoyer l'histoire nationale de tous les poncifs qui entravent son libre développement intellectuel depuis la fin du 19ème siècle). A écouter et à réécouter, lentement le cas échéant, avec patience et passion (l'espagnol d'Argentine est de plus en plus différent de celui que l'on parle en Espagne, mais avec des gens comme Galasso, ça vaut le coup de faire l'effort).
Pour aller plus loin :
visiter la page de l'émission (où vous pouvez l'écouter, voire la télécharger)


(1) San Martín y était locataire d'un appartement au second étage où il emménagea avec sa fille Mercedes, son gendre, Mariano Balcarce, et leurs deux filles en mars 1848, pour fuir les barricades qui s'étaient levées en février à Paris. Le propriétaire était un avocat inscrit au tribunal de Boulogne et son épouse, deux quarantenaires qui venaient de faire achever les travaux de construction de ce petit hôtel particulier provincial, face à l'université, lorsque la révolution renversa Louis-Philippe dont ils étaient de fervents partisans.