mercredi 23 novembre 2011

Week-end d'août portègno-universitaire (Article n° 2500) [Retour sur Images]

Les panneaux placés devant la façade (en travaux) du Colegio Nacional de Buenos Aires (dimanche matin, au soleil)

Le dernier week-end du mois d'août dernier, la UBA, Universidad de Buenos Aires, fêtait les 190 ans de sa fondation, le 12 août 1811, par les révolutionnaires de Mai, qui voulaient doter la capitale de leur futur pays d'une institution capable de former ses élites intellectuelles, administratives et politiques.

Premier panneau de l'exposition historique, Grand hall du Colegio Nacional - La situation avant l'indépendance (1770-1819)

Sur trois jours, du vendredi en début de soirée jusqu'au dimanche à la nuit tombée, une magnifique fête fut organisée à la Manzana de las Luces, l'ancienne Maison Provinciale de la Compagnie de Jésus, chassée des royaumes d'Espagne en 1767, après avoir apporté à Buenos Aires une contribution intellectuelle dont le souvenir légendaire perdure jusqu'à aujourd'hui.

La fondation de la UBA (période allant de 1811 à 1829)

La Manzana de las Luces se situe dans le quartier de Monserrat, l'un des plus anciens de la ville, entre les rues Bolivar, Alsina, Perú et Moreno. Elle est placée sous la double tutelle de l'Université et d'une Commission nationale, présidée en titre par le Chef de l'Etat. Elle abrite un monument historique qui conserve la mémoire des activités des jésuites, dont la partie centrale est le Patio de la Procuradoria, au fond duquel fonctionne aujourd'hui une véritable fabrique d'instruments de musique (lutería en Argentine), en hommage au travail effectué par les Compagnons dans leurs missions du nord du pays pour former des musiciens baroques parmi les Indiens guaranis qu'ils s'attachaient à évangéliser tout en respectant leur culture. Un restaurant, pas vraiment bon marché mais agréable, Veladas Virreinales, est installé avec beaucoup de goût dans l'une des salles adjacentes et de l'autre côté, la Manzana dispose d'un magasin d'artisanat national (entrée par l'esquina Perú y Alsina). La Manzana abrite également le premier hémicycle d'Amérique Latine, qui servit d'abord aux délibérations des premières assemblées législatives qui suivirent l'indépendance du pays, puis aux cours magistraux de l'Université, avant que celle-ci, devenue trop importante, n'investisse d'autres quartiers de la ville. Aujourd'hui, cet hémicycle, d'une sobriété inouïe, sert à accueillir des conférences, des tables-rondes et même des spectacles.

L'époque de Juan Manuel Rosas (1835-1850), profil sur la partie centrale, claire du panneau. Regardez bien sur cette partie le cachet du Gouvernorat de la Province de Buenos Aires en ces temps de guerre civile (l'Indépendance ou la Mort. Vivent les fédéraux, mort aux unitaires !). Pour une meilleure résolution, cliquez sur la photo.

La Manzana de las Luces accueille aussi, sur l'emplacement de l'ancien collègue des Jésuites, qui a été entièrement détruit, l'un des plus prestigieux lycées de Buenos Aires, le Colegio Nacional, bâti sur un plan de grand lycée du quartier latin par un architecte français, qui a ouvert grand ses portes pour cette fête très joyeuse et très fréquentée, malgré le crachin glacé qui tombait le samedi, avec le concours apprécié et appréciable des élèves et anciens élèves, très fiers de partager leur attachement à leur établissement.

L'orchestre de tango du Collège. Ils n'ont pas chaud, dehors, sous cette marquise, dans la cour, mais ils sont tout sourire ! Merci, Virginia...

La bibliothèque à la disposition des élèves, et du grand public sous certaines conditions de réservation à l'avance... On y trouve de très belles collections bibliographiques françaises, dont le gros dictionnaire Larousse en huit volumes des années 1930

Les volées de marches supérieures du grand escalier d'honneur qui mène au premier étage et à la bibliothèque

C'est ainsi que dans la journée du dimanche, l'orchestre de tango du Colegio Nacional de Buenos Aires a donné un concert, dans l'un des deux patios du lycée, un orchestre dont fait partie la fille du poète Luis Alposta, Virginia, qui a eu la délicate attention de m'autoriser à publier cette photo d'elle et de ses camarades, affectueusement classée dans les dossiers de l'ordinateur familial... J'ai ainsi eu la chance de pouvoir visiter ces locaux, ce qui est rare puisqu'il s'agit d'un établissement en fonctionnement. Rez de chaussée et 1er étage magnifiques, présentant une des plus réussies et des plus didactiques parmi les expositions historiques que j'ai déjà pu voir, des étages supérieurs nettement moins fonctionnels, aux murs et aux plafonds en bien triste état (il s'agit d'un des établissements scolaires que la Ville omet d'entretenir, comme je vous en rends compte de temps en temps, où les élèves ont froid l'hiver, reçoivent des miettes de plafond sur la tête pendant les cours et occupent régulièrement les lieux pour exiger une gestion un peu plus responsable), une bibliothèque de toute splendeur dont je vous laisse apprécier le luxe et la richesse bibliographique, une incroyable collection de vieux instruments de physique et de chimie dont certaines pièces, importées d'Angleterre, de France ou des Etats-Unis, ont plus de cent ans, et même, tout en haut du petit mirador central, une salle d'astronomie couronnée d'une coupole équipée d'un beau petit télescope moderne avec lequel les élèves peuvent effectuer de véritables observations, si toutefois ils arrivent à déjouer la pollution lumineuse assez puissante du centre-ville.

En fin de journée, après ce samedi pluvieux et pas très chaud, j'ai fini la journée avec un chocolate con churros virreinal (tu parles !), dans ce très beau décor des Veladas Virreinales, dans une ancienne remise où les Jésuites entreposaient les produits, venus essentiellement des Missions du nord, dont ils avaient le monopole commercial (yerbe mate, instruments de musique, blé, cuir, bois subtropicaux...). Au fond de la salle, une reproduction admirablement bien faite d'un salon de la haute société portègne à la fin du 18ème siècle...

Dans le patio de la Procuradoria, la marquise des inscriptions universitaires pour le second quadrimestre, le samedi soir, avec un sol de nouveau sec, près pour la belle journée ensoleillée que nous avons eue le lendemain...

La dernière trace qui reste de l'affectation de ce bâtiment à l'Université. Il y avait encore des cours à cet endroit dans les années 1960. Une grande fresque photographique légendée rend compte dans cette portion de la rue de la Nuit des longs Bâtons, une répression atroce des étudiants par des forces de l'ordre qui, à cette époque, s'apprêtaient à faire le lit de la future Dictature militaire de 1976-1983.

Dernier monument à participer à la fête, l'église Saint-Ignace, refaite à neuf tout au long de l'année dernière et toutes portes ouvertes pour l'occasion. C'est l'église la mieux conservée en son état d'origine (1675) de toute la capitale argentine (la plupart des églises coloniales ont été soit détuites et remplacées, soit profondément remaniées après mai 1810, à commencer, à quelques pas de là, par la cathédrale dont la façade, entièrement refaite tout au long des années 1810, donne sur Plaza de Mayo).

Et le lendemain, il faisait grand beau ! (façade du lycée sur la rue Bolivar.

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