lundi 24 octobre 2011

Cristina à la Rosada, Amado au Sénat, reliés par Avenida de Mayo [Actu]

C'est dans le noir impeccable qu'elle n'a pas cessé de porter depuis un an, depuis que son mari, l'ancien Président Néstor Kirchner est mort, le 27 octobre 2010 (voir mes articles sur cet événement politique de l'année dernière), que Cristina Fernández de Kirchner est venue saluer et remercier les militants sur une Plaza de Mayo débordante de monde dans la nuit printannière.

Sans surprise majeure, Cristina Fernández de Kirchner a été réélue hier, dimanche 23 octobre 2011, avec ce que les dépouillements des bureaux de vote (encore en cours à 9h, heure de Paris) annoncent comme un score historique depuis Juan Perón (1946, pas 1973) : 53%. Le taux, pour admirable qu'il soit, était néamoins attendu puisque certains instituts de sondage l'avaient vu apparaître au fil de leurs enquêtes des dernières semaines. Il se peut qu'il évolue au fur et à mesure que le décompte des voix va s'affiner dans la nuit et ensuite par les nouveaux comptes qui seront réalisés par le Tribunal Electoral, mais l'expérience montre que ces dépouillements dans les bureaux de vote sont fiables, à la première décimale près.


Il n'en reste pas moins que pour un premier tour, c'est inouï. Historiquement, elle fait donc mieux que Perón en 1946, car si Perón avait bien obtenu 56% des voix dès le premier tour, c'était face à une coalition rassemblant, ouvertement, sous l'aile de l'Ambassade des Etats-Unis tout le spectre politique argentin à l'exception des partisans du Général, de la gauche à la droite en passant par le centre inexistant en Argentine tant alors que maintenant. Cristina, elle, était hier opposée à une bonne demi-douzaine de candidats couvrant à leur tour un spectre idéologique et politique assez large, et avec des standards démocratiques plus exigeants que ceux qui étaient en vigueur sur cette planète en 1946 et sans interférence d'aucune grande puissance étrangère.

La deuxième force politique du pays est désormais celle des socialistes menée par Hermés Binner, qui a recueilli 16% des voix. Et comme Cristina représente elle aussi la gauche argentine. Contrairement à ce qu'avancent les journalistes français (je ne comprends pas pourquoi ils affichent une telle ignorance du contexte et de l'histoire du pays), elle n'est pas au centre gauche. Le kirchnérisme et le socialisme de Binner sont seulement deux couleurs différentes d'une gauche marquée par l'histoire argentine (qui n'est aucune des histoires de nos pays européens) et cette gauche est incontestablement située... à gauche.


La droite est écrasée comme elle l'a rarement été au niveau national, l'UCR a été balayée et il est difficile de savoir si le plus vieux parti argentin (1891) s'en remettra. Le pays, y compris au Congrès, se réveille ce lundi à gauche toute (près de 70% des suffrages sur les chefs des candidats à l'élection présidentielle).

Dans la Province de Buenos Aires, l'ancien Vice-Président de Néstor Kirchner et Gouverneur sortant, Daniel Scioli, est lui aussi réélu triomphalement.

L'autre grand enseignement de ce scrutin est qu'arrivent en tête des candidats à la présidentielle deux personnes dont on peut dire beaucoup de choses mais certainement pas qu'ils sont des démagogues. Même si ses adversaires aiment décrire Cristina comme une "populiste", une tarte à la crème sémantique que ceux qui emploient l'adjectif seraient bien en peine d'en donner une définition qui tienne la route et d'en établir l'attribution à la Présidente sur l'un ou l'autre de ses actes concrets de gouvernement (un certain nombre de mes amis argentins comptent parmi ces adversaires acharnés, qui, en parlant de Cristina, parlent en fait d'une autre réalité politique, plus ancienne, dont ils ne sont toujours pas remis, et il y a de quoi). Les démagogues, et il y en avait parmi les candidats à la présidentielle, sont relégués loin, loin, loin derrière les deux premiers, qui ont eux-mêmes creusé l'écart entre eux.


Cristina reste donc à la Casa Rosada, le palais du Gouvernement national (Gobierno de la Nación) qui ferme la perspective de la Plaza de Mayo, et son futur Vice Président, Amado Boudou, actuel Ministre des Finances, va occuper le perchoir du Sénat, qui est situé dans l'imposant Palais des Congrès (Congreso), inspiré au 19ème siècle par l'architecture du Capitole de Washington, les deux sièges du pouvoir, exécutif et législatif, étant reliés depuis les années 1880 par la Avenida de Mayo, dont je vous parle souvent puisque c'est sur cette avenue symbolique que se trouvent des institutions comme la Academia Nacional del Tango au numéro 833, le Gran Café Tortoni, au numéro 835 et le Bar 36 Billares, au numéro 1265 (tous sur le même trottoir !)...

Pour le moment, les grands quotidiens argentins n'ont pas bouclé leur édition de lundi (voir la rubrique Actu dans la partie basse de la Colonne de droite si vous voulez les consulter sans attendre). Je reviendrai donc dans la journée, sans doute dans l'après-midi (heure d'Europe occidentale), car ce matin les sites risquent d'être pris d'assaut par les Argentins et les Sud-Américains, dès porton-minet pour eux, et je complèterai alors cet article avec les liens vers les sommaires du jour des trois grands quotidiens et quelques unes en illustration comme à mon habitude.

Mes lecteurs peuvent dès à présent se reporter aux autres articles déjà publiés dans ce blog sur la Présidente réélue et son futur Vice Président. Il suffit pour cela soit de copier l'un ou l'autre nom dans la fenêtre du moteur de recherche qui se trouve en haut de la page, à droite (en respectant les accents pour son patronyme à elle et sans espérer de miracle, le moteur de recherche mis en place par Blogger n'est pas d'une fiabilité à toute épreuve) ou en cliquant sur le mot-clé "gob argentin" dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.

Pour aller plus loin :
voir les éditions du 24 octobre 2011 des quotidiens suivants :
Clarín (anti-kirchneriste)
La Prensa (de droite ultra-libérale)
La Nación (de droite libérale, dont vous apprécierez le choix dans l'ordre de priorité des sujets traités au lendemain d'élections présidentielle et législatives. C'est à peine croyable !)
Página/12 (pro-kirchneriste)