samedi 3 octobre 2009

Carlos Menem et consorts inculpés pour l'attentat de l'AMIA [Actu]

Finalement, Ariel Lijo, le juge qui a repris l'enquête sur l'attentat antisémite contre l'AMIA, la mutuelle juive argentine, qui avait fait 84 ou 85 morts, selon la façon dont on décompte les victimes, et des centaines de blessés, le 18 juillet 1994, rue Pasteur, à Buenos Aires, a décidé d'inculper l'ancien Président de la République, qui était alors à la Casa Rosada, Carlos Menem, son frère Munir Menem qui occupait alors la plus haute charge dans l'appareil juridique du pays, le juge chargé de l'enquête à l'époque, Juan José Galeano, et le directeur d'alors des services du contre-espionnage (SIDE, Servicio de Inteligencia del Estado) Hugo Anzorreguy.

Les frères Menem sont poursuivis pour entrave à l'enquête puisqu'ils sont soupçonnés d'avoir exercé des pressions contre le juge Galeano pour que celui-ci n'inquiète pas un père et son fils, soupçonnés d'avoir été les poseurs de bombe, et que Carlos Menem, el Turquito (le petit Turc) comme l'appellent les Argentins, semble bien avoir délibérément couverts. Les deux hommes sont d'ascendance syrienne comme la famille Menem, et ils auraient été sur cet attentat terrible des agents des services secrets iraniens.

Le juge Galeano est poursuivi pour avoir vicié la procédure et entravé la manifestation de la vérité, comme on dit en langage juridique de France.

Les autres inculpés sont poursuivis pour avoir obéi eux aussi à des ordres arbitraires, ceux des frères Menem, qui exigeaient que la procédure soit orientée politiquement. Elle a d'ailleurs abouti à l'inculpations de plusieurs policiers de la Province de Buenos Aires, dont l'innocence a ensuite été reconnue publiquement.

Ce dernier rebondissement intervient après une série de procès intentés à Carlos Menem et plusieurs de ses ministres ou grands commis pour des actes de corruption divers et variés. Au fur et à mesure que les juges se penchent sur les dix ans du mandat de Carlos Menem, ils découvrent au grand jour des scandales plus graves les uns que les autres, qui vont de la vente bradée d'immenses parties du domaine public à la couverture du plus meurtrier attentat antisémite commis jusqu'alors.

Carlos Menem a conduit, de 1990 à 1999, une politique totalement contraire aux principes du péronisme, sur la foi desquels il s'était fait élire en 1989 : il a été le grand bradeur de l'économie nationale, vendant pour une bouchée de pain les principales institutions qui garantissaient le début d'une autonomie économique pour le pays, la compagnie nationale d'aviation (voir mes articles sur Aerolineas Argentinas), la compagnie nationale pétrolière, l'industrie nationale aéronautique (voir mon article à ce sujet) ; il a privatisé tous les régimes sociaux qu'il a pu (notamment une grande partie des régimes de retraite en créant les désormais défuntes AFJP, voir mes articles à ce sujet) ; il a modifié les réglementations qui encadraient la production agricole et livré la devise nationale au bon vouloir du FMI et des Etats-Unis d'Amérique, ce qui a abouti à la faillite nationale de décembre 2001.


C'est ce que dénoncent Daniel Paz et Rudi dans le dessin paru hier dans Página/12 et qui dit :

L'homme aux lunettes noires : Docteur Menem, vous êtes accusé d'entrave à la justice, d'abus de pouvoir et d'avoir dissimulé la vérité pour imposer votre conception de l'Etat.
Menem : Mensonge idéologique ? (1)
L'homme aux lunettes noires : Oui, vous vous souvenez quand vous vous faisiez passer pour péroniste ?
(Traduction Denise Anne Clavilier)



Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12

(1) L'expression "mensonge idéologique" ou "falsification idéologique" s'applique en droit argentin aux pratiques en cours sous la Dictature militaire et qui ont consisté à falsifier divreses données officielles (papiers d'identité, actes de naissance ou de décès notamment) pour dissimuler les atteintes aux droits de l'Homme. Le texte ici est d'autant plus ironique que les péronistes ont été les premières victimes de la persécution par la Junte au pouvoir et que Menem lui-même n'y a pas échappé, lui qui a fait plusieurs années de prison pendant cette sinitre période de l'histoire argentine (1976-1983).