mercredi 25 février 2009

Tout est bon du moment que ça roule [actu]

Dans le cadre du plan de relance de l’économie argentine, l’opération 0 km (voir mon article du 31 décembre 2008) n’a pas donné jusqu’à présent les résultats escomptés. En deux mois, seulement 0,5% de voitures d’entrée de gamme effectivement vendues sur le nombre prévu par le plan 0 km, annoncé à la fin de l'année dernière. A fin janvier (donc en pleines vacances estivales), les concessionnaires automobiles n’avaient enregistré que 500 ventes de ces véhicules en tout et pour tout. Ils croisent les doigts pour que février parvienne au même chiffre et ce ne serait toujours pas très satisfaisant.

L’institut de statistiques national, l’INDEC, vient de publier des chiffres décourageants sur la production industrielle dans le pays, en forte baisse notamment dans le secteur automobile qui portait jusqu’à présent le rétablissement économique du pays pour le secteur secondaire. Et le pire, c’est que ces chiffres semblent solides (1) puisque les agences privées publient des estimations significativement proches. Ainsi donc la production automobile aurait été en janvier de 4,6% inférieure à son chiffre de janvier 2008 (qui était, il est vrai, particulièrement haut). Ce 4,6% interannuel correspond en fait à une baisse de 13,2 % par rapport à décembre 2008.
C’est la première fois depuis 2003, depuis l’arrivée au pouvoir de Néstor Kirchner auquel a succédé sa femme à la tête de l’Etat, que ces chiffres s’effondrent. Conséquence de la crise économique internationale que subit ainsi l’Argentine qui se rétablissait convenablement du krach monétaire qui l’avait mise à terre à la fin 2001. La dernière chute de la production du secteur secondaire en Argentine remonte en effet à octobre 2002, avec une baisse de 4,2%.

En comparaison interannuelle, donc entre les chiffres de janvier 2008 et ceux de janvier 2009, dans le secteur textile, la chute est de 10,3% (de 20,6% par rapport à décembre). Elle est de 9,1% dans le secteur de la production pneumatique (et 20,9 par rapport à décembre). Elle est de 21,7 % pour la métalurgie de base (29,3 pour l’acier alors que la production d’aluminium a augmenté de 10,4 %). Le secteur de la construction s’en sort mieux : + 4,80% d’augmentation interannuelle (mais un chute de 9,1% par rapport aux chiffres de décembre). Le secteur agro-alimentaire connaît une situation similaire : + 7,2% d’augmentation interannuelle et - 11% de baisse par rapport à décembre.

Le secteur automobile, composé entièrement d’entreprises étrangères installées sur le territoire national, marques françaises, espagnoles, japonaises et américaines essentiellement, portant la reprise générale hors agriculture, il était important pour le Gouvernement de proposer une modification du plan 0 km sur lequel il comptait pour sortir l’ensemble du secteur de l’ornière. Le plan de soutien à la consommation des ménages s’ouvre désormais à tout ce qui roule, depuis l’achat de la bicyclette jusqu’à celui d’utilitaires et même de camions pour les professionnels en passant par des voitures neuves de milieu de gamme. Les véhicules éligibles au plan devront être fabriqués sur le territoire national (la moitié des 500 voitures déjà vendues sous le régime du plan 0 km étaient importées du Brésil). C’est ce qu’a annoncé hier la Présidente, accompagnée de sa ministre de la Production, Débora Giorgi.

Le nouveau plan durera toute l’année et de grandes enseignes de grande distribution y participeront grâce à la vente des vélos (des vélos d’enfant aux modèles tout terrain ou professionnels à l’usage des coursiers) : Carrefour, Coto, Garbarino, Olimpia et Frágeva vont récupérer les vieux vélos (qui seront recyclés selon la philosophie constante de ces Planos Canje) et vendre des machines neuves fabriquées sur place, ce qui devrait aider à maintenir l’emploi.

Pour le remplacement des véhicules professionels, utilitaires et poids lourds, les financements se feront sur la base d’un apport de 30% du prix total (payable comptant ou en 12 mensualités) et le reste financé sur fonds de l’ANSeS sur une durée de 36 mois à taux fixe (un taux de 13%, ce qui n’est pas très lourd étant donné le niveau d’inflation chronique qui règne dans la région).

Le 13 février, la Présidente, en compagnie cette fois de sa belle-soeur, la Ministre du Développement social, Alicia Kirchner (2), avait annoncé un autre plan, destiné quant à lui à soutenir les micro-entreprises et les coopératives.

Les coopératives sont une forme d’entreprise très prisée des indépendants qui veulent créer leur propre emploi, ce qui généralement leur réussit. Ce plan, qui entraîner un plus budgétaire de 2000 millions de pesos pour le Ministère du Développement social, entend soutenir un millier de coopératives, des programmes destinés à la jeunesse et au troisième âge, des clubs de quartier (le centre de la vie sociale, culturelle et sportive de proximité en Argentine) entre autres activités conduites par le secteur associatif, syndical, culturel, militant. Les coopératives visées sont celles que monteront des chômeurs pour effectuer les travaux peu qualifiées de voierie publique à l’échelle des municipalités. Il est toujours très étonnant pour nous autres, Européens, de voir fleurir ces coopératives dans les secteurs les plus déshérités de la société. Il existe des histoires économiques très édifiantes de chiffonniers qui s’organisent pour améliorer leur travail, rationaliser la collecte, s’engager dans le recyclage des matériaux ainsi récupérés, des histoires de succès stupéfiants pour nous. En quelques années, ces gens, qui sont les pauvres d’entre les pauvres, parqués dans des bidonvilles innommables, se retrouvent à gagner si bien leur vie qu’ils peuvent s’offrir une semaine de vacances dans l’année. Et nous avons bien du mal à nous faire une idée de la rentabilité qu’il faut atteindre pour pouvoir avoir une semaine de vacances quand on est chiffonnier et qu’on a une famille à nourir.

Quelques articles intéressants à lire dans la presse :
Página/12 du 24 février sur la production industrielle,
Página/12 du 25 février sur le présent plano canje automotor,
Clarín du 23 février sur la production industrielle,
Clarín du 25 février sur le plano canje automotor.
Página/12 du 13 février, sur l’aide aux micro-entreprises et au secteur social.

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(1) Généralement les chiffres de l’INDEC sont contestés. En fait, il semble beaucoup plus fiables que la majorité argentine veut bien le reconnaître. C’est un peu une maladie nationale que d’afficher par principe un manque de confiance dans ce qui est national. Ce qui n’empêche absolument pas les Argentins par ailleurs de se vanter de tout et de n’importe quoi et d’adorer leur pays. La position est contradictoire mais quasiment assumée comme telle, en tout cas en ce qui concerne l’élite intellectuelle (les journalistes, les artistes, les enseignants...).
(2) Après avoir fait partager à tout le monde sa propre émotion et celle de son interlocutrice le jour de sa prestation de serment entre les mains de Cristina, le 10 décembre 2007, Alicia Kirchner essuie à présent les critiques de certaines personnalités de la majorité sans qu’on sache bien si elles lui reprochent ses idées, sa façon d’être ou tout simplement sa qualité de soeur du Président du parti justicialiste ou de belle-soeur de chef d’Etat. L’Argentine est en année électorale et le Parti Justicialiste est déjà entré dans en lice...